vendredi 4 octobre 2013

Corpus bac n°1 /Objets d’étude: Le personnage de roman du XVIIème à nos jours


Corpus bac n°1 
Objets d’étude: Le personnage de roman du XVIIème à nos jours/ La question de l’homme dans l’argumentation

Texte A: Zola, Au bonheur des dames, 1883

[Zola décrit, dans ce roman naturaliste, le succès du grand magasin créé par Mouret.]

À la soie, la foule était aussi venue. On s’écrasait surtout devant l’étalage intérieur, dressé par Hutin, et où Mouret avait donné les touches du maître. C’était, au fond du hall, autour d’une des colonnettes de fonte qui soutenaient le vitrage, comme un ruissellement d’étoffe, une nappe bouillonnée tombant de haut et s’élargissant jusqu’au parquet. Des satins clairs et des soies tendres jaillissaient d’abord : les satins à la reine, les satins renaissance, aux tons nacrés d’eau de source ; les soies légères aux transparences de cristal, vert Nil, ciel indien, rose de mai, bleu Danube. Puis, venaient des tissus plus forts, les satins merveilleux, les soies duchesse, teintes chaudes, roulant à flots grossis. Et, en bas, ainsi que dans une vasque, dormaient les étoffes lourdes, les armures façonnées, les damas, les brocarts, les soies perlées et lamées, au milieu d’un lit profond de velours, tous les velours, noirs, blancs, de couleur, frappés à fond de soie ou de satin, creusant avec leurs taches mouvantes un lac immobile où semblaient danser des reflets de ciel et de paysage. Des femmes, pâles de désirs, se penchaient comme pour se voir. Toutes, en face de cette cataracte lâchée, restaient debout, avec la peur sourde d’être prises dans le débordement d’un pareil luxe et avec l’irrésistible envie de s’y jeter et de s’y perdre.
-Te voilà donc ! dit madame Desforges, en trouvant madame Bourdelais installée devant un comptoir.
-Tiens ! bonjour ! répondit celle-ci, qui serra les mains à ces dames. Oui, je suis entrée donner un coup d’œil.
-Hein ? c’est prodigieux, cet étalage ! On en rêve… Et le salon oriental, as-tu vu le salon oriental ?
- Oui, oui, extraordinaire !
Mais, sous cet enthousiasme qui allait être décidément la note élégante du jour, madame Bourdelais gardait son sang-froid de ménagère pratique. Elle examinait avec soin une pièce de Paris-Bonheur, car elle était uniquement venue pour profiter du bon marché exceptionnel de cette soie, si elle la jugeait réellement avantageuse. Sans doute elle en fut contente, elle en demanda vingt-cinq mètres, comptant bien couper là dedans une robe pour elle et un paletot pour sa petite fille.

Texte B: Nathalie Sarraute, Tropismes, 1939-1957

[Tropismes est un recueil de courts textes, comparables à des poèmes en prose.]

Ils semblaient sourdre de partout, éclos dans la tiédeur un peu moite de l’air, ils s’écoulaient doucement comme s’ils suintaient des murs, des arbres grillagés, des bancs, des trottoirs sales, des squares.
Ils s’étiraient en longues grappes sombres entre les façades mortes des maisons. De loin en loin, devant les devantures des magasins, ils formaient des noyaux plus compacts, immobiles, occasionnant quelques remous, comme de légers engorgements.
Une quiétude étrange, une sorte de satisfaction désespérée émanait d’eux. Ils regardaient attentivement les piles de linge de l’Exposition de Blanc, imitant habilement des montagnes de neige, ou bien une poupée dont les dents et les yeux, à intervalles réguliers, s’allumaient, s’éteignaient, s’allumaient, s’éteignaient, s’allumaient, s’éteignaient, toujours à intervalles identiques, s’allumaient de nouveau et de nouveau s’éteignaient.
Ils regardaient longtemps, sans bouger, ils restaient là, offerts, devant les vitrines, ils reportaient toujours à l’intervalle suivant le moment de s’éloigner. Et les petits enfants tranquilles qui leur donnaient la main, fatigués de regarder, distraits, patiemment, auprès d’eux, attendaient.


Texte 3: Georges Perec, Les Choses, 1965

[ Ce roman raconte la vie d’un couple qui travaille pour des agences de publicité à Paris.]

Ils se promenaient souvent le soir, humaient le vent, léchaient les vitrines. Ils laissaient derrière eux le Treizième tout proche, dont ils ne connaissaient guère que l’avenue des Gobelins, à cause de ses quatre cinémas, évitaient la sinistre rue Cuvier, qui ne les eût conduits qu’aux abords plus sinistres de la gare d’Austerlitz, et empruntaient, presque invariablement, la rue Monge, puis la rue des Ecoles, gagnaient Saint-Michel, Saint-Germain, et, de là, selon les jours ou les saisons, le Palais-Royal, l’Opéra, ou la gare Montparnasse, Vavin, la rue d’Assas, Saint-Sulpice, le Luxembourg. Ils marchaient lentement. Ils s’arrêtaient devant chaque antiquaire, collaient leurs yeux aux devantures obscures, distinguaient, a travers les grilles, les reflets rougeâtres d’un canapé en cuir, le décor de feuillage d’une assiette ou d’un plat de faïence, la luisance d’un verre taille ou d’un bougeoir de cuivre, la finesse galbée d’une chaise canée.
De station en station, antiquaires, librairies, marchands de disques, cartes des restaurants, agences de voyage, chemisiers, tailleurs, fromagers, chausseurs, confiseurs, charcuteries de luxe, papetiers, leurs itinéraires, composaient leurs véritables univers : là reposaient, leurs ambitions, leurs espoirs. Là était la vraie vie, la vie qu’ils voulaient connaitre, qu’ils voulaient mener : c’était pour ces saumons, pour ces cristaux, que, vingt-cinq ans plus tôt, une employée et une coiffeuse les avaient mis au monde.

Question sur le corpus
Après avoir identifié les cibles de la critique, vous dégagerez les principaux procédé